Granby (Ville de) c. Camping Granby inc. |
2009 QCCS 2427 |
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(Chambre civile) |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
BEDFORD |
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N° : |
460-17-000622-068 |
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DATE : |
2 juin 2009 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
GAÉTAN DUMAS, j.c.s. |
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VILLE DE GRANBY |
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Demanderesse |
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c. |
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CAMPING GRANBY INC. |
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] La demanderesse demande au tribunal d'ordonner à la défenderesse de cesser d'utiliser à des fins de terrain de camping une partie du lot dont elle est propriétaire et lui ordonner de cesser de l'utiliser à une fin autre que celles autorisées par la réglementation municipale.
[2] La défenderesse, quant à elle, demande au tribunal de déclarer qu'elle bénéficie de droits acquis à l'usage d'un terrain de camping sur la presque totalité du terrain lui appartenant[1].
[3] Plusieurs questions sont soulevées par le présent débat.
[4] Le tribunal propose de disposer des questions en litige dans l'ordre suivant :
1) Caractère prohibitif de la réglementation municipale adoptée par la demanderesse; (paragraphe 70)
2) Limitation de la généralisation de droits acquis; (paragraphe 105)
3) Droits acquis à un usage dérogatoire à la Loi sur la qualité de l'environnement (L.Q.E.); (paragraphe 150)
4) Droits acquis à un usage dérogatoire à la Loi sur la protection du territoire agricole (L.P.T.A.); (paragraphe 192)
5) Légalité de l'intensification d'un usage dérogatoire protégé par droits acquis; (paragraphe 195)
6) Pouvoir discrétionnaire de la Cour supérieure de rejeter le recours même en présence d'une situation dérogatoire; (paragraphe 200)
Les faits
[5] En 1995, la défenderesse se porte acquéreur d'immeubles connus alors comme étant les lots 1901 et 491-20 du cadastre du canton de Granby.
[6] Les lots 1901 et 491-20 étaient, auparavant, connus comme étant :
Quant au lot 1901 :
- Lot 388 au cadastre officiel du canton de Granby, division d’enregistrement de Shefford;
- Partie du lot 491 au cadastre officiel du canton de Granby, division d’enregistrement de Shefford; et,
- Lot 492 au cadastre officiel du canton de Granby, division d’enregistrement de Shefford;
Quant au lot 491-20 :
- Celui-ci faisait partie du lot 491 au cadastre officiel du canton de Granby, division d’enregistrement de Shefford;
[7] Postérieurement à leur acquisition par la défenderesse, les lots 1901 et 491-20 sont devenus respectivement les lots 1 141 203 (1901) et 1 141 216 (491-20) du cadastre du Québec et le sont toujours.
[8] Jusqu'en 1974, les lots de la défenderesse sont situés dans le canton de Granby. Le 23 novembre 1974, le territoire du canton de Granby est annexé au territoire de la demanderesse[2].
[9] Depuis le 21 novembre 2003, le règlement de zonage no 2452-2003 établit, sur le lot 1 141 203, appartenant à la défenderesse, trois zones ou parties de zones différentes, soit les zones IN03C et IN04R ainsi que partie de la zone JN01A.
[10] Ces zones sont illustrées sur le plan suivant, admis par les parties :
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[11] La zone qui nous intéresse plus particulièrement est la zone IN04R qui se retrouve sur le lot de la défenderesse. Cette zone IN04R est une zone résidentielle, mais bénéficiant d'un règlement sur les usages conditionnels connus comme étant le règlement no 2476-2003[3].
[12] La zone IM04R, à l'ouest du terrain de camping, est une zone résidentielle avec, comme usage principal permis, les habitations unifamiliales isolées. La zone IN03C est une zone commerciale dans laquelle l'usage de terrain de camping est permis.
[13] La zone IN04R est bornée à l'est par la zone IN03R, qui est une zone résidentielle dans laquelle on retrouve plusieurs habitations unifamiliales situées sur la rue Lemieux à Granby.
[14] L'évolution des dispositions réglementaires applicables aux lots 1 141 203 et 1 141 216 du cadastre du Québec est résumée et illustrée au tableau ci-après :
Règlement |
Date d’entrée en vigueur |
Zone |
Usage "camping" sur les lots 1 141 203 et 1 141 216 du cadastre du Québec |
Règlement de construction n° 203-1946 de la municipalité du canton de Granby (pièce R-2) |
En vigueur jusqu’en 1982 sur le territoire de la défenderesse |
A |
N/A |
Règlement n° 874-73 concernant l’annexion d’un territoire de la municipalité du canton de Granby (pièce R-3) |
23 novembre 1974 |
N/A |
N/A |
Décret n° 759-80 concernant la protection du territoire agricole (pièce R-6) |
12 avril 1980 |
Agricole lots 491, 492 et 388 |
L.P.T.A. Camping interdit - lots 491, 492 et 388 |
Règlement de zonage no 1322-80 (pièce R-19A)
Règlement no 1323-80 amendant le règlement de zonage no 674 (pièce R-19B)
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Septembre 1980
Septembre 1980 |
AGR30 (agricole)
Ce règlement visait à zoner les territoires de la Ville de Granby non encore zonés à cette date |
Camping permis dans cette zone et dans l’ensemble des autres zones agricoles (AGR) de la Ville de Granby
Par l’effet combiné de ces deux règlements, le camping est donc permis par la réglementation municipale dans la zone AGR où sont situés les lots 491 et 492 et 388, ainsi que dans les autres zones AGR de la Ville de Granby |
Règlement de zonage n° 1414-82 (pièce R-8) |
19 juin 1982 |
AGR1630 (agricole) |
Camping interdit |
Règlement de zonage n° 1842-89 (pièce R-9) |
17 mars 1989 |
AGR1630 (agricole) |
Camping interdit |
Décret n° 1124-1990 concernant la Loi sur la protection du territoire agricole (pièce R-7) |
25 août 1990 |
Agricole (lot 388 seulement)
Lots 491 et 492 ne sont plus en zone agricole |
L.P.T.A : Camping interdit - lot 388 seulement)
Camping toujours interdit - lots 388, 491 et 492 par R.Z. 1842-89
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Règlement de zonage n° 1960-1991 (pièce R-10) |
22 mai 1991 |
AGR1630 (agricole) |
Camping interdit |
Règlement de zonage n° 2452-2003 (pièce R-4) |
21 novembre 2003 |
IN03C (commerciale) |
Camping permis |
IN04R (résidentielle)
JN01A (agricole)
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Camping interdit
Camping interdit |
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Règlement n° 2476-2003 sur les usages conditionnels (pièce R-5) |
24 janvier 2004 |
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Usage conditionnel dans la zone IN04R: le camping peut être autorisé dans la zone IN04R à certaines conditions |
[15] De 1980 à 1982, les lots, propriétés de la défenderesse, sont donc dans une zone où le camping est permis. Par contre, ils sont situés dans une zone agricole dès l'adoption de la Loi sur la protection du territoire agricole[4].
[16] Aux termes du règlement no 1414-82 (règlement de 1982)[5], l'activité « terrain de camping » est permise dans la zone Vc seulement.
[17] Puisque le camping de la défenderesse n'est pas situé dans une zone Vc, l'usage de camping est donc interdit sur le terrain de la défenderesse. Par contre, les seuls terrains zonés Vc sur le territoire de la ville de Granby, lorsque le règlement de 1982 est en vigueur, sont les suivants :
a - Vc-1501, il s'agit du parc Victoria;
b - Vc-1502, il s'agit du cimetière Pinewood;
c - Vc-1101, il s'agit du cimetière de la rue Cowie;
d - Vc-0601, il s'agit du cimetière de la rue Dufferin.
[18] En ce qui concerne le règlement no 1842-89 (règlement de 1989)[6], celui-ci ne modifie en rien le zonage du terrain où est exploité le terrain de camping, lequel est encore zoné agricole.
[19] Comme pour le règlement de 1982, l'activité de terrain de camping est permise dans la zone Vc. Les terrains zonés Vc sont toujours le parc Victoria, le cimetière Pinewood, le cimetière de la rue Cowie et le cimetière de la rue Dufferin.
[20] En vertu de la réglementation municipale, les seuls terrains bénéficiant d'un zonage dans lequel un terrain de camping peut être exploité sont des cimetières et le parc Victoria.
[21] La technique de zonage utilisée par la demanderesse est expliquée par Yvan Gatien, urbaniste et spécialiste en aménagement de territoire depuis 1999.
[22] Le tribunal tient à mentionner immédiatement que tous les employés de la ville entendus lors du procès ont témoigné avec grande franchise et tenté d'éclairer le tribunal plutôt que de tenter de défendre aveuglément la position de la ville.
[23] Le tribunal a le sentiment que l'intention de la ville fût véritablement de mettre sur table tous les faits pertinents au dossier qu'ils soient favorables ou non à la position de la ville.
[24] Certains diront que la façon d'agir de la ville est tout à fait normale et ils auraient raison. Une municipalité n'est pas là pour gagner une cause à tout prix, mais plutôt pour faire respecter sa réglementation municipale adoptée dans l'intérêt commun.
[25] Mais dans le présent cas, l'attitude de la ville est remarquable et le tribunal croit que la demanderesse a tout fait en son pouvoir pour permettre à la défenderesse d'exploiter son commerce en tentant de l'accommoder, mais tout en respectant les droits des propriétaires riverains.
[26] Cela étant dit, voyons de quelle façon le règlement de zonage de 1982 est adopté.
[27] L'urbaniste Gatien explique que les urbanistes font des recommandations, mais l'adoption d'un règlement de zonage est un acte politique qui relève de la compétence du conseil municipal. En cela, il a raison.
[28] Il mentionne que même si le règlement de 1982 avait autorisé le camping sur les lots de la défenderesse, l'usage aurait quand même été interdit en vertu de la Loi sur la protection du territoire agricole.
[29] Il explique qu'une des méthodes utilisées pour restreindre un usage dans la municipalité (dans notre cas, un terrain de camping) est de restreindre cet usage tellement qu'une personne désirant en faire usage doit faire une demande ponctuelle qui doit être approuvée par les citoyens du secteur puisqu'il s'agit d'une modification au zonage.
[30] Une autre méthode utilisée était de créer une zone fourre-tout selon son expression, mais il ne sait pas si le règlement de 1982 contenait ce genre de zone.
[31] Il explique au tribunal :
« L'urbaniste peut aviser le conseil que ça ne fait pas de sens, mais c'est le conseil qui décide. Si le conseil veut que ça ne fasse pas de sens, c'est sa décision. »
[32] L'urbaniste Gatien convient aisément que les parcs et les cimetières où le camping est autorisé par le règlement de 1982 sont déjà occupés.
[33] Il est à noter que la municipalité n'insiste pas beaucoup pour plaider que le règlement de 1982 n'était pas prohibitif.
[34] Le règlement de 1982 prévoit[7] « qu'il est permis de généraliser l'occupation d'un bâtiment ou d'un terrain qui est partiellement utilisé de façon dérogatoire, à condition que cette généralisation s'opère sur le terrain qui était propriété en titre du propriétaire au moment de l'entrée en vigueur du règlement 674 en date du 27 août 1969 ».
[35] Bref, le règlement prévoit que le propriétaire faisant un usage dérogatoire de son terrain peut généraliser son occupation pourvu qu'il le fasse sur le terrain lui appartenant en 1969 et qu'il ne le fasse pas en achetant ses voisins.
[36] Le règlement de 1989[8] prévoit sensiblement les mêmes zones. Par contre, il y a possibilité de généralisation d'une occupation partielle[9] pourvu que les trois conditions suivantes soient remplies :
- l'agrandissement ne devra pas excéder 50% de la superficie occupée le 27 août 1969;
- l'agrandissement ne devra pas modifier le volume extérieur du bâtiment;
- l'agrandissement devra s'effectuer sur le terrain tel qu'il était en date du 27 août 1969.
[37] Tous semblent d'accord pour affirmer que, bien que l'article permettant la généralisation d'une occupation dérogatoire réfère au 27 août 1969, c'est plutôt l'occupation de 1974 qui s'appliquerait à la défenderesse.
[38] En effet, l'année 1969 a été choisie parce qu'il s'agissait du premier règlement de zonage de Granby, mais puisque le canton de Granby a été annexé en 1974 et que tous les usages étaient permis avant cette date, nous devons vérifier l'occupation en 1974 et non pas en 1969.
[39] Autre constatation : puisque l'usage « camping » est autorisé entre 1980 et 1982, nous devrions également vérifier quel était l'usage effectif et permis en 1982 pour connaître la possibilité de généralisation de l'occupation.
[40] Par exemple, nous savons que le camping est situé sur un lot de 55 hectares, donc de 110 acres[10]. Ainsi, si la défenderesse occupait 90 acres en 1982, alors qu'elle n'en occupait que 50 en 1969, le propriétaire pourrait donc continuer à occuper les 90 acres qu'il occupait en 1982 sans avoir le droit de s'agrandir.
[41] Par contre, si en 1989 le propriétaire n'occupe que 60 acres, il pourra augmenter son occupation de 50% de ce qu'il occupait en 1969. Il pourrait donc ajouter 25 acres aux 50 acres occupées en 1969, ce qui lui permettrait d'occuper une superficie totale de 75 acres[11].
[42] En 1991, la municipalité modifie à nouveau son zonage et adopte le règlement 1960-1991 (règlement 1991). Par ce règlement, le camping et le golf sont autorisés dans les zones Vb et Vc.
[43] Les seuls terrains situés dans les zones Vb et Vc sont les suivants :
a)- Vb-0301, il s'agit de l'école Envolée et du terrain de soccer adjacent;
b)- Vb-0401, il s'agit du parc Dubuc;
c)- Vb-0801, il s'agit du parc Terry Fox;
d)- Vb-0802, il s'agit d'un parc situé entre les rues St-Michel et St-André;
e)- Vb-0803, il s'agit du parc Daniel Johnson;
f)- Vb-0804, il s'agit du lac Boivin;
g)- Vb-1201, il s'agit du parc Pelletier;
h)- Vb-1302, il s'agit du parc Avery;
i)- Vb-1303, il s'agit du parc Robert;
j)- Vb-1501, il s'agit du parc de la Tannerie situé entre le pont de la rue Principale et le pont de la rue Church.
k)- Vb-1502, il s'agit du terrain de golf Miner, le plus ancien terrain de golf à Granby;
l)- Vb-1160, il s'agit d'un petit parc situé sur la rue Lemieux mesurant 55 mètres par 60 mètres par un arc de cercle d'environ 100 mètres;
m)- Vb-1901, il s'agit d'un parc situé dans le secteur des rues Choquette et du Rubis;
n)- Vc-0601, il s'agit du cimetière de la rue Dufferin;
0)- Vc-0801, il s'agit du Centre d'interprétation de la nature du lac Boivin;
p)- Vc-1101, il s'agit du cimetière de la rue Cowie;
q)- Vc-1501, il s'agit du parc Victoria;
r)- Vc-1502, il s'agit du cimetière Pinewood.
[44] Selon la défenderesse, jusqu'à l'adoption du règlement de zonage de 2003[12], il est irréalisable et vraisemblablement impossible d'exploiter un terrain de camping sur le territoire de la ville de Granby, ce qui, selon elle, constitue une prohibition absolue d'un usage autrement licite sur l'ensemble du territoire de la municipalité.
[45] En plus des zones déjà prévues dans les règlements de 1982 et 1989, la ville ajoute plusieurs parcs, tous propriétés de la ville, ainsi que l'école Envolée et le terrain de soccer adjacent qui a déjà appartenu à la demanderesse selon le témoignage de l'urbaniste Yvan Gatien.
[46] On y retrouve également la zone Vb-1502 constituant le terrain de golf Miner, le plus ancien terrain de golf de Granby et la zone Vc-0801 constituée du Centre d'interprétation de la nature du lac Boivin, propriété de la demanderesse.
[47] Tous les témoins entendus sur le sujet conviennent que l'exploitation d'un terrain de camping est impossible dans un cimetière ou dans les parcs mentionnés. Quant au golf Miner, nous y reviendrons dans le chapitre traitant du caractère prohibitif de la réglementation municipale.
[48] Pour l'instant, qu'il suffise de mentionner que le terrain de golf a une superficie d'environ 50 acres[13].
[49] Un terrain vacant connu comme le parc Miner d'une superficie de 186 acres est exclu de la zone Vb.
[50] Le plan de zonage[14] démontre que le terrain de golf occupe l'ensemble de la zone Vb-1502 à l'exception d'un petit boisé entourant le golf qui est la prolongation d'un boisé situé dans la zone Ra-1514.
[51] Puisque le plan est à une échelle de 1:2000[15], il est facile de visualiser la largeur du boisé entourant le golf. Ainsi, le centre du vert se trouvant à l'extrémité sud-ouest du terrain est à 20 mètres de la limite de la zone Vb-1502. Le boisé longeant la ligne ouest du terrain de golf est d'environ 20 mètres de large et l'on retrouve un départ à l'extrémité nord-ouest du terrain de golf à moins de 20 mètres de la limite ouest du terrain. Le centre d'un vert se trouvant au centre de la limite sud du terrain est à 30 mètres de la ligne sud de la zone. Un vert à l'est de la zone se trouve à presque 5 mètres de la limite de la zone.
[52] Il est donc impossible que la zone Vb-1502 puisse recevoir un camping et un terrain de golf simultanément.
[53] Nous savons également que le jugement rendu par notre collègue Paul-Marcel Bellavance, le 13 octobre 2006[16], visait à trouver une solution pour la vente d'un groupe de sept terrains distincts, contenant environ 525 acres, situés à quelques minutes du centre-ville de Granby. Le juge Bellavance expliquait :
« [2] Les trois parties en sont copropriétaires indivis suite à des héritages. En fait, par leurs auteurs, les parties en sont copropriétaires indivis depuis 46 ans. La décision de vendre aurait été prise vers 1985. Les trois héritières de l'époque ne purent jamais s'entendre et la mésentente persiste toujours entre les trois familles et même entre les deux héritiers d'une des héritières décédées le 24 août 2002, Sara Miner Lubecki. »
[54] Il est également mentionné au jugement que les héritiers ne purent jamais s'entendre bien que des pancartes furent placées puis enlevées. Des mandats furent proposés puis retirés. Une offre concrète fut déposée, mais demeura lettre morte tout comme les pancartes et les mandats parce qu'aucune de ces initiatives n'eut l'accord des trois groupes d'héritiers.
[55] Ce jugement du juge Bellavance a permis l'acquisition du golf Miner par la ville de Granby.
[56] En conclusion, le golf Miner est sur le marché depuis 1985 lorsqu'il est zoné pour un usage de golf et camping en 1991.
[57] En 2003, la ville adopte sa nouvelle réglementation de zonage et permet l'utilisation du camping dans la zone IN03C.
[58] L'intention de la ville en 2003, lors de l'adoption du zonage, est de rendre conforme l'utilisation que fait la défenderesse de son terrain. La ville reconnaît à la défenderesse des droits acquis à un usage dérogatoire depuis longtemps. Lors du début des travaux ayant mené à l'adoption de la réglementation de 2003, la ville voulait zoner commerciales les zones maintenant connues comme étant IN03C et IN04R. Pour la ville, cela aurait réglé le problème de façon définitive en permettant l'usage « camping » sur la presque totalité des terrains détenus par la défenderesse à l'exception d'une petite partie zonée agricole.
[59] Mais les récriminations croissantes des propriétaires des terrains riverains ont fait reculer la demanderesse.
[60] Elle a donc, de bonne foi, tenté d'établir quelle était la zone pour laquelle la défenderesse pouvait réclamer un usage dérogatoire qui bénéficiait de droits acquis.
[61] Ne voulant pas limiter l'usage « camping » sur une partie importante du terrain de la défenderesse, qui était maintenant occupée comme camping, mais qui ne bénéficiait pas de droits acquis selon la demanderesse, elle a donc décidé de créer la zone IN04R.
[62] Cette zone est résidentielle, mais bénéficie d'un règlement sur les usages conditionnels (règlement no 2476-2003)[17].
[63] Ce règlement prévoit la possibilité d'utiliser le terrain comme camping, mais à la condition qu'une zone tampon soit créée pour éviter les inconvénients dus à l'intensification de l'usage « camping » par la défenderesse.
[64] La défenderesse, quant à elle, plaide qu'elle bénéficie de droits acquis à l'usage « camping » sur tout le terrain utilisé comme camping jusqu'en 2003 puisqu'elle prétend que la réglementation d'avant 2003 ne lui est pas opposable.
[65] Bien que les parties ont pris beaucoup de temps pour établir l'utilisation effective des lots aux diverses époques concernées, la décision sur le caractère prohibitif de la réglementation municipale aura un impact déterminant sur les droits acquis dont peut bénéficier la défenderesse.
[66] En effet, si la réglementation municipale est inopposable à la défenderesse jusqu'en 2003, nous devrons donc vérifier l'usage effectif par la demanderesse en 2003, sous réserve de la légalité de l'utilisation en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement et la Loi sur la protection du territoire agricole.
[67] Si la réglementation de la demanderesse est opposable à la défenderesse à compter de 1992, ce sera la date à laquelle le tribunal devra déterminer l'occupation effective et ainsi de suite jusqu'en 1970.
[68] Il est également important de noter que depuis 2003, il y a au moins trois campings opérés dans des zones permettant cet usage.
[69] Comme déjà mentionné, le tribunal croit que la ville a tenté, de bonne foi, de permettre à la défenderesse un usage « camping » sur les terrains dont elle est propriétaire. Selon la preuve présentée, le tribunal en vient à la conclusion que la demanderesse aurait pu zoner résidentiel le terrain occupé par la défenderesse. Celle-ci n'aurait pu généraliser l'usage dérogatoire sur tout le lot et aurait toujours eu le problème de devoir démontrer les droits acquis dont elle bénéficiait. Cette décision de la ville n'aurait pu être contestée puisque le règlement de 2003 ne peut être considéré comme un règlement à caractère prohibitif puisque d'autres zones peuvent recevoir des campings et la décision de la ville de ne pas permettre un camping dans cette zone aurait été tout à fait légale. Il arrive fréquemment qu'une ville décide de changer les usages permis dans une zone faisant en sorte que les commerces qui s'y trouvent devront cesser d'exister un jour ou l'autre.
Caractère prohibitif de la réglementation municipale
[70] Inutile de rappeler qu'un usage licite ne peut être prohibé sur la totalité d'un territoire d'une municipalité sans habilitation législative expresse. Ce principe est bien ancré dans notre droit depuis au moins 1896[18].
[71] Marc-André LeChasseur, dans son ouvrage Le zonage en droit québécois[19], résume bien l'état du droit sur la question. Parlant de la prohibition implicite des usages non expressément prévus dans une zone il mentionne :
« Elle connaît également des limites propres à éviter les cas d'abus de pouvoir et les astuces qui ont la plupart du temps pour objectif d'autoriser sur le territoire municipal des usages ou constructions à l'intérieur d'une ou de plusieurs zones qui, par leurs caractéristiques, rendent impropre ou impossible l'usage projeté. »[20]
[72] Après avoir rappelé, qu'en principe, ce qui n'est pas expressément autorisé dans une zone est prohibé, il mentionne :
« La prohibition implicite doit nécessairement respecter le principe général qu'un usage ou construction autrement licite (dont la prohibition complète n'est donc pas autorisée par une disposition législative expresse) ne peut être complètement interdit sur tout le territoire d'une municipalité. Lorsqu'un tel cas survient, le tribunal aura autorité pour annuler la disposition prohibitive pour un secteur donné de la municipalité ou l'interpréter de manière à permettre dans ce secteur l'usage ou la construction visé. » [21]
[73] Un peu plus loin, LeChasseur mentionne :
« Le tribunal doit faire preuve d'une grande réserve lorsqu'il évalue la prohibition en cause. Il conserve en tout état de cause une discrétion inhérente pour évaluer non pas l'opportunité mais bien la possibilité réelle qu'un usage donné puisse être véritablement exercé sur le territoire en cause, sans égard aux facteurs extrinsèques comme la viabilité économique mais sous réserve de ne pas être confronté à une stérilisation à dessein du droit de propriété.
Nous croyons également qu'une preuve que la construction ou les activités visées ne peuvent être construites ou exercées dans une autre zone de la municipalité devra être apportée au tribunal. De même, le fait de permettre l'implantation de maisons mobiles dans une zone entièrement occupée par une carrière en activité rend l'usage impossible et constitue donc un acte réglementaire prohibitif invalide.
Dans le contexte d'une prohibition présumée, outre l'importance de sa réserve, le tribunal devra également garder à l'esprit qu'il n'a pas à évaluer la faisabilité de l'usage eu égard aux conditions du site visé, ce que la Cour d'appel a clairement établi dans l'affaire Ste-Anne-des-Plaines (Ville de) c. Dickie.
(…)
Le juge Gendreau confère une portée très large au pouvoir réglementaire des municipalités. Les difficultés économiques ne sont pas un motif de nullité, alors que l'effet confiscatoire sur une propriété demeure pour sa part susceptible d'entraîner la nullité de la disposition contestée. Cet énoncé n'est pas sans rappeler l'opinion du juge Forget dans l'affaire Saint-Laurent (Ville de) c. 2426-4640 Québec inc. où la Cour devait décider de la validité d'un zonage ayant pour effet de contraindre un propriétaire d'immeubles commerciaux à les utiliser à des fins de bureaux, usage économiquement inconcevable pour le secteur. Qui plus est, l'impossibilité pour le propriétaire de faire un usage de ces immeubles l'obligeait à les démolir pour en reconstruire un seul conforme à la réglementation, et ce, une fois les deux terrains refondus en un seul. »[22]
[74] Ces principes, pourtant simples en droit, rencontrent des difficultés d'application dans les faits. Il s'agit, encore une fois, du va-et-vient perpétuel entre le droit et les faits.
[75] Évidemment, plusieurs décisions de nos tribunaux sont des exemples de cas où la simple étude du règlement de zonage permettait d'établir la prohibition édictée par la municipalité. Ainsi, une interdiction d'opérer des sablières sur tout le territoire a été déclarée illégale[23]. L'interdiction d'arcades à l'intérieur des limites de la ville était tout aussi illégale[24].
[76] Si le règlement prévoit que seuls sont autorisés les usages spécifiquement pointés à la grille des spécifications et que le règlement ne prévoit l'usage « dépôt de matériaux secs » dans aucune zone, cette prohibition deviendra illégale[25]. Les exemples ne sont pas toujours évidents et les municipalités semblent faire preuve d'imagination pour prohiber des usages qui seraient autrement licites.
[77] Ainsi, la Cour d'appel dans Ville de Montréal c. FBT Dorval inc.[26] confirme les conclusions de faits du juge Jasmin de la Cour supérieure. Il en était venu à la conclusion que le règlement de zonage était inopposable aux requérantes puisqu'il avait pour effet de prohiber sur l'ensemble du territoire de la municipalité une activité autrement licite[27], à savoir : les stationnements payants.
[78] La Cour d'appel confirma la décision en mentionnant :
« [21] (…) À cet égard, le témoignage de l'urbaniste de la Ville est clair : les terrains compris dans les zones p1 et p2 appartiennent exclusivement à la Ville et à d'autres organismes publics tels que commission scolaire, centre de jeunesse, etc. Qui plus est, plusieurs des terrains à l'intérieur des zones p1 et p2 sont réservés pour fin de parc et d'espace publics.
(…)
[23] En tout état de cause, le règlement ne permet le stationnement comme usage principal que sous l'égide de la Cité ou pour un terrain de stationnement public. En aucun temps ne permet-on à une compagnie d'utiliser son terrain comme stationnement payant. Il ne s'agit pas d'une situation qui s'apparente à des difficultés économiques ou techniques afférentes à l'exercice d'une activité ou d'un usage ou la rigueur des conditions imposées. Au contraire, il s'agit d'une interdiction générale destinée à l'ensemble des personnes, à l'exclusion des organismes publics. »[28]
[79] La Cour d'appel faisait évidemment référence à l'arrêt rendu dans Ste-Anne-des-Plaines c. Dickie[29] un an et demi auparavant.
[80] En mars 2001, la Cour d'appel déclarait inopposable à l'intimé la grille des usages pour une zone en affirmant :
« 6 Nous partageons la conclusion de la juge de la Cour supérieure que l'installation d'une maison mobile dans la zone H-201 est irréalisable et que cette situation a pour conséquence d'entraîner la prohibition absolue d'un usage licite sur l'ensemble du territoire de la municipalité. »[30]
[81] Dans ce cas, la zone H-201 est constituée du seul terrain utilisé comme sablière depuis 1960. Parlant de cette zone, la Cour d'appel mentionne :
« 5 (…) Ce terrain n'est pas subdivisé et admettre la prétention de la ville, qu'une ou deux maisons mobiles pourraient être installées sur les 75 mètres du terrain qui bordent la voie publique, nierait à l'intimé le droit de vivre dans une zone résidentielle. La zone H-201 n'est pas une zone d'habitation, mais une zone où s'exerce sur la totalité du terrain un usage industriel. »
[82] Plus récemment, la Cour suprême du Canada dans Congrégation des témoins de Jéhovah de St-Jérôme-Lafontaine c. Lafontaine (Village)[31] mentionne :
« 11 (…) Les décisions municipales en matière de modification de zonage font partie d’un domaine dans lequel l’expertise des municipalités dépasse celle des tribunaux. Elles méritent donc le respect des cours de révision. (…) »
[83] Dans cet arrêt, les juges majoritaires (5) ont décidé d'accueillir le pourvoi de la Congrégation et de renvoyer à la municipalité une demande de modification de zonage par la Congrégation. Puisque la Congrégation des témoins de Jéhovah n'avait pas trouvé de site disponible dans la zone réservée aux cultes, elle avait formulé une demande de modification de zonage pour établir un lieu de culte dans une autre zone.
[84] La municipalité a exercé son pouvoir discrétionnaire, mais a rejeté la demande de la Congrégation sans la motiver.
[85] Les juges dissidents (4), sous la plume du juge Lebel, auraient rejeté le pourvoi, mais pour d'autres motifs. Les juges minoritaires mentionnent :
« 62 Dans ces conditions, en l’absence de motif valable de révision de ces constatations de faits du juge du procès, il faut analyser les prétentions des parties en retenant comme prémisse qu’au moins un terrain compris dans la zone P-3 demeurait disponible pour la construction du lieu de culte des appelants, soit celui appartenant à Mme Jolicoeur, situé à l’arrière du Pavillon Ste-Marie. À mon avis, dès le départ, cette constatation de fait justifie le rejet de la demande des appelants, puisqu’elle interdit toute conclusion que l’intimée a porté atteinte à la garantie constitutionnelle de liberté de religion dont les appelants bénéficient en vertu de l’al. 2a) de la Charte. »[32]
[86] Un peu plus loin, ils mentionnent :
« 63 Avant d’aborder la question de la liberté de religion, il convient de rappeler que le règlement de zonage de la municipalité n’interdit pas l’usage « édifices de culte » sur l’ensemble du territoire de la municipalité, mais le permet dans une zone déterminée. Il ne peut donc pas être considéré comme prohibitif au sens de la jurisprudence (Saint-Michel-Archange, précité, p. 882; J. L’Heureux, Droit municipal québécois (1984), t. II, p. 316-317, par. 606). »
[87] Au paragraphe 72, ils mentionnent :
« Comme au moins un terrain restait disponible dans la zone P-3 pour la construction de leur lieu de culte, les appelants doivent se conformer au règlement de zonage de la municipalité et construire leur lieu de culte dans cette zone où l’usage est autorisé. »
[88] Un peu plus loin, les juges dissidents soumettent l'hypothèse de l'absence de terrain disponible dans la zone P-3. Dans ce cas, ils mentionnent qu'ils seraient d'accord avec les appelants en affirmant qu'aucun lieu de culte ne peut être implanté dans la zone si aucun terrain n'est disponible. Puisque la liberté de religion inclut le droit de bénéficier d'un lieu de culte, le règlement pourrait être considéré comme prohibitif si aucune zone ne permet l'établissement d'un lieu de culte.
[89] Il est à noter que les juges majoritaires acceptent la conclusion du juge Lebel selon laquelle un terrain était disponible dans la zone P-3. Cependant, ils estiment que cela ne règle pas la question puisque l'obligation d'équité procédurale de la municipalité envers la Congrégation n'est pas tributaire des rapports entre la Congrégation et des tiers.
[90] Il semble donc, même s'il ne s'agit pas des motifs principaux de cet arrêt, que la disponibilité d'un terrain compris dans une zone permettant l'usage recherché pourrait être considérée comme une fin de non-recevoir à l'argument voulant que le règlement soit prohibitif.
[91] Il est d'ailleurs permis de croire que la décision de la Cour d'appel dans Ville de Montréal c. FBT Dorval[33] aurait été tout autre si les terrains de stationnement n'avaient pas été limités à des terrains de stationnement public (donc appartenant à la municipalité selon l'interprétation de la Cour d'appel du règlement de zonage) et si des terrains avaient été disponibles pour ce faire.
[92] Ainsi, la Cour d'appel dans Ste-Anne-des-Plaines (Ville de) c. Dickie[34] décide que :
« [17] Toutefois, ce rôle de surveillance de l’administration par la Cour supérieure ne s’étend pas à l’étude, la vérification et le contrôle de l’opportunité de la décision de l’administration. Cela est vrai dans le cas des municipalités. En effet, dans l’exercice de son pouvoir en matière de zonage et d’urbanisme, elles jouissent d’une large discrétion. L’objectif de la loi est de laisser aux élus le soin de concevoir le plan de développement le plus efficace et harmonieux pour leur ville ou village. Ces choix sont politiques au sens véritable de ce terme et les tribunaux ne doivent pas intervenir. Aussi, j’endosse totalement les propos du professeur Lorne GIROUX :
En matière de zonage, il ne peut y avoir contrôle d’opportunité par les tribunaux. S’il n’y a pas preuve de discrimination, de fraude ou d’abus de pouvoir, la seule prétention que la municipalité a commis une erreur dans la classification ou la localisation des districts ou que le zonage en vigueur ne soit pas approprié aux caractéristiques physiques ou aux conditions économiques du terrain ou de ses environs n’est pas suffisante pour porter atteinte à la validité du règlement de zonage. Ce motif à lui seul n’entraînera pas la nullité de la réglementation à moins qu’il n’y ait eu discrimination ou que la classification n‘équivaille à la confiscation de la propriété (…). »
[93] Un peu plus loin, la Cour d'appel mentionne :
[19] (…) Ces activités ne sont autorisées que dans une seule zone et prohibées partout ailleurs. Il s’ensuit que le règlement d’urbanisme est valide, du moins à sa lecture, puisque l’extraction du roc, sable et gravier est permise à l’intérieur du territoire municipal; le fait que son exercice soit réduit à une seule zone ne signifie pas une prohibition totale.
[20] Dickie ne nie pas que le texte du règlement d’urbanisme n’interdit pas les industries extractives mais il plaide que le seul lieu où elles sont permises, la zone A-112, ne contient pas de sable, ce que Sainte-Anne-des-Plaines admet. Dès lors, plaide Dickie, l’effet du choix de cette aire par la municipalité pour autoriser les sablières équivaut à nier cette exploitation dans l’ensemble du territoire.
[21] À mon avis, cet argument ne peut pas tenir en droit, pour deux raisons. D’abord, cela reviendrait à autoriser l’examen de l’opportunité de ce choix en l’absence d’une preuve d’abus de pouvoir; deuxièmement, cela aurait pour conséquence d’introduire un critère additionnel dans l’examen de la légalité des règlements de zonage et d’urbanisme qui pourrait s’exprimer ainsi : la municipalité a l’obligation de s’assurer que l’usager pourra réussir l’activité dans la ou les zones où elle est autorisée.
[22] En effet, le conseil municipal a pleine autorité pour définir la vocation de chaque zone; il n’a pas à s’expliquer mais il doit agir légalement. Or, il n’y a pas un iota de preuve que la Ville ait agi de mauvaise foi, pour des considérations non pertinentes, de façon discriminatoire ou pour des fins impropres et Dickie n’a même pas tenté de faire cette preuve. Il n’a donc fait valoir aucune prétention d’illégalité du règlement. Plus encore, la situation géographique et topographique de la zone choisie ne laissait rien prévoir. Enfin, rien n’établit que les activités extractives autres que l’exploitation d’une sablière ne seraient pas possibles. Nous ne sommes évidemment pas dans un cas où la municipalité autorise l’exploitation d’une carrière au milieu d’un plan d’eau ou d’une forêt dans une plaine… Dès lors, si le choix de l’aire où les activités extractives sont permises ne découle d’aucune décision illégale ou qui en ait même l’apparence, il s’ensuit que l’intervention de la Cour se ferait sur une base d’opportunité puisque la détermination de la zone d’exploitation est une compétence conférée au conseil par la loi.
[23] Cela m’amène au deuxième aspect, le critère additionnel. Comme je l’ai dit, aucun indice extérieur ni aucun autre élément ne permettaient à Sainte-Anne-des-Plaines de soupçonner que le territoire désigné pour les activités extractives ne contenait pas de sable. Aussi, si l’on conclut à la nullité de la partie du règlement qui permet les sablières dans la zone A-112, tout en reconnaissant que la municipalité a agi intra vires, légalement et dans l’intérêt public, il faut casser sa décision au motif que l’activité licite permise est techniquement impossible. Cela signifie l’introduction d’un nouveau critère de légalité suivant lequel la municipalité doit garantir aux citoyens sous peine de nullité du règlement que l’usage autorisé peut être efficacement exercé ou à tout le moins économiquement réalisable. Cette obligation ne sera satisfaite que dans la mesure où des études de faisabilité sont entreprises et confirment le choix envisagé.
[24] À mon avis, la loi ne fait pas cette obligation au conseil municipal. De plus, l’objet d’un règlement d’urbanisme et de zonage n’est pas d’assurer l’usager qu’il peut réussir dans la zone autorisée. Il vise, au contraire, à définir le cadre de développement du territoire auquel les citoyens sont soumis et auquel ils doivent astreindre leur projet. L’objectif de cette réglementation est la régulation des usages sur le territoire municipal. À mon sens, dès que la municipalité agit légalement, elle satisfait aux exigences de la loi et son règlement est valide et s’impose à ses contribuables. »
[94] La décision de la Cour d'appel dans Ste-Anne-des-Plaines est l'état du droit présentement. Il reprend ce que la Cour d'appel avait déjà décidé quelques années auparavant dans Val-d'Or (Ville de) c. 2550-9613 Québec inc.[35], où elle établissait que :
« Le fait qu'un règlement complique, même beaucoup, l'établissement d'un certain commerce dans une zone n'a pas pour effet de transformer la nature du règlement, de zonage ou autre, en prohibition (Montréal c. Arcade Amusements Inc., [1985] 1 R.C.S. 368 , le juge Beetz à la page 392). En l'espèce, même très restrictif, le Règlement de zonage permet l'exploitation, sur le territoire de Val d'Or, de bars offrant des spectacles de danseuses et danseurs nus. »
Application au présent cas
[95] Appliquée au présent cas, l'interdiction du caractère prohibitif d'une réglementation municipale oblige à conclure que la réglementation de 1982 et 1989 était prohibitive puisque seuls quatre terrains pouvaient recevoir un camping. Il s'agit de trois cimetières et du parc Victoria. La municipalité n'a pas beaucoup insisté sur la validité de son règlement obligeant l'implantation des campings dans les cimetières.
[96] Par contre, par son règlement de 1991, la demanderesse amende son règlement de zonage pour permettre les terrains de camping dans d'autres zones, entre autres, sur le terrain de golf Miner et au Centre d'interprétation de la nature du lac Boivin.
[97] Puisque le Centre d'interprétation de la nature du lac Boivin semble appartenir à la municipalité, il aurait pu être possible de plaider que le règlement était prohibitif. Par contre, le fait d'ajouter le terrain du golf Miner permet, de l'opinion du tribunal, d'affirmer qu'il n'y a pas prohibition d'établissement d'un camping sur le territoire de la municipalité.
[98] Ce terrain contient 50 acres. Bien que le camping de la défenderesse soit établi sur un terrain de 100 acres, nous pouvons affirmer, sans crainte de se tromper, qu'en 1991, la défenderesse n'occupe pas la moitié de son terrain.
[99] D'ailleurs, le critère n'est pas de savoir si la défenderesse peut établir son commerce tel que nous le connaissons, il est plutôt de savoir si la municipalité, par sa réglementation, prohibe entièrement l'usage de terrain de camping sur son territoire.
[100] Même s'il ne s'agit pas d'un critère déterminant, nous savons que le terrain occupé par le golf Miner est à vendre à l'époque de la modification du règlement de zonage.
[101] Lors de l'adoption du règlement de zonage en 1991, la municipalité n'avait pas l'obligation de s'assurer que l'usager pouvait réussir l'activité dans la ou les zones où elle est autorisée.
[102] La défenderesse pourrait peut-être prétendre que la municipalité aurait dû zoner son terrain afin de lui permettre l'usage de terrain de camping dès 1991 plutôt que de se faire reprocher d'avoir d'adopté un règlement risquant d'être déclaré prohibitif. Mais il ne s'agit pas du critère applicable. Le tribunal n'a pas à examiner l'opportunité politique des décisions du conseil mais leur légalité.
[103] Les terrains de camping n'étaient donc pas prohibés sur l'ensemble du territoire de la municipalité. Aussi, il y avait un terrain disponible qui pouvait recevoir un camping à l'époque et, qui plus est, ce terrain était à vendre. Le tribunal n'a donc pas à répondre à la question hypothétique de ce qui aurait dû être décidé si aucun terrain n'était disponible.
[104] En effet, il est assez facile d'imaginer que certaines villes avec une densité de population élevée peuvent ne pas avoir de terrains disponibles pour tous les genres de commerces. Les municipalités n'ont pas à s'assurer et à garantir que tout genre de commerce peut être exercé sur leur territoire.
Limitation de la généralisation de droits acquis
[105] L'article 23.9 du règlement de 1991[36] prévoit qu'il est permis de généraliser l'occupation d'un terrain qui est partiellement utilisé de façon dérogatoire à la condition que l'agrandissement n'excède pas 50% de la superficie occupée le 27 août 1969 et que l'agrandissement s'effectue sur le terrain tel qu'il était le 27 août 1969.
[106] La chaîne de titres démontre que l'agrandissement s'est effectué sur le même terrain possédé depuis 1969.
[107] Comme déjà mentionné, tous s'accordent pour affirmer que le point de départ de la généralisation de l'occupation du bâtiment doit débuter le 23 novembre 1974 pour la défenderesse puisqu'il s'agit de la date d'annexion de la municipalité du canton de Granby.
[108] Il n'est pas contesté qu'une municipalité peut réglementer la généralisation de l'occupation d'un bâtiment ou d'un terrain partiellement utilisé de façon dérogatoire. La municipalité peut même interdire l'agrandissement d'un droit acquis. C'est d'ailleurs ce que la demanderesse a fait dans son règlement de 2003.
[109] Ce n'est que la juste application de l'article 113, paragraphe 18, de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme[37].
[110] Le droit acquis à un usage dérogatoire se limite au droit de continuer à utiliser le terrain aux fins pour lesquelles il était réellement utilisé auparavant[38]. En conséquence, le tribunal doit donc se demander quel était l'usage effectif du terrain par la défenderesse en date du 23 novembre 1974 et que serait cet usage s'il était augmenté d'une superficie de 50%.
[111] Pour répondre à cette question, le tribunal tiendra pour acquis, aux fins de discussions, que l'usage, le 23 novembre 1974, ne fût pas dérogatoire et ne contrevenait pas à la Loi sur la qualité de l'environnement et la Loi sur la protection du territoire agricole.
[112] Le tribunal se demandera également quelle était l'utilisation effective du terrain le 22 mai 1991.
[113] En effet, si le 22 mai 1991, la défenderesse occupait déjà plus de 50% de la superficie occupée en 1974, ce sera l'occupation effective de 1991 qui prévaudra.
[114] Le tribunal a eu le bénéfice d'entendre plusieurs témoins sur l'occupation successive des lots de la défenderesse. Aussi, plusieurs photos aériennes ont été produites et le tribunal a eu l'avantage d'entendre l'expert Martin Boisvenue, spécialisé en analyse de photographie aérienne, lequel a produit un rapport fort complet[39].
[115] Des photographies aériennes ont également été produites par la défenderesse[40]. À l'annexe II A de l'expertise de monsieur Boisvenue, nous retrouvons une photographie aérienne de 1971 sur laquelle nous pouvons aisément apercevoir l'entrée du camping que nous retrouvons toujours aujourd'hui dans la zone IN04R illustrée sur le plan contenu au paragraphe 10 du présent jugement. L'entrée sur ce plan est indiquée par une flèche indiquant le lot 1 141 216.
[116] Pour faciliter la compréhension du présent jugement, le tribunal joint l'extrait du rapport avec photographie indiquant la partie est du lot en litige qui représente la zone IN04R.
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[117] De ces photographies et des témoignages, il est facile de conclure que l'entrée du camping est située depuis le tout début au même endroit.
[118] Nous voyons sur la photographie aérienne de 1979[41] un terrain de balle. Nous constatons des photographies aériennes prises en 1973 que le camping est principalement concentré autour de deux lacs situés sur le lot 492 que nous voyons également très bien sur les photographies aériennes de l'annexe II de la pièce R-16.
[119] Des roulottes et tentes-roulottes sont aussi installées de part et d'autre du chemin d'entrée jusqu'à la fourche que nous retrouvons sur la ligne de division des zones IN03C et IN04R.
[120] Sur la photographie aérienne de 1973[42], nous constatons que des tentes ou tentes-roulottes sont installées à l'orée du bois bornant l'est du lot de la défenderesse. Les photographies aériennes que nous retrouvons aux pages 30 et 31 du rapport d'expertise permettent de constater que le bois se situe au même endroit de 1979 à 1997. Après cette date, des coupes déplacent l'orée du bois vers l'est.
[121] En 2004, le terrain de balle est situé au même endroit qu'en 1979. Ce terrain de balle est utilisé par les campeurs.
[122] Maurice Dandurand, aujourd'hui retraité et âgé de 75 ans, est propriétaire du terrain de camping de 1971 à 1975. C'est lui qui vend les terrains situés sur la rue Lemieux et sur lesquels des résidences sont construites.
[123] La vente à l'unité des terrains de la rue Lemieux lui permet de financer les agrandissements du camping de 1971 à 1975. Il témoigne qu'il a passé une ligne d'eau de la buanderie jusqu'à l'orée du boisé pour le bien-être de ses campeurs. Il témoigne que près du boisé, il n'y a presque pas de campeurs. Ce sont surtout des scouts qui utilisent cette partie du terrain et l'intérieur du boisé. Il témoigne que ses campeurs se promènent dans le bois et vont y cueillir des fraises. Les champs que nous retrouvons dans la zone IN04R sont entretenus avec un tracteur de jardin et une partie de ces champs est utilisée par les campeurs.
[124] Il mentionne que « le tour du lac c'était le camping ». Il y avait une clôture originale qui devait limiter le camping autour du lac. Il mentionne que bien qu'il a acheté le camping en 1971, celui-ci a été bâti en 1967. Le terrain de balle aurait été probablement construit par lui en 1973. Monsieur Dandurand confirme que lorsqu'il achète le terrain en 1971, il y a 43 sites de camping.
[125] En prenant la photographie aérienne de 1979[43] qui serait la plus avantageuse pour la défenderesse pour établir l'occupation de 1974, en la comparant avec l'annexe II F, photographie prise en 1990, soit un an avant l'adoption du règlement de 1991, il est facile de constater que la défenderesse s'approche dangereusement de l'occupation de 50% supérieure à celle de 1974.
[126] Lorsque nous comparons les photographies de 1979 et 1990, il ne faut pas se contenter de regarder seulement ce qui se passe à l'est du terrain, mais également les agrandissements à l'ouest du terrain.
[127] De ces photographies, nous constatons que le camping, principalement concentré autour des deux lacs en 1979, a grandement progressé au nord des deux lacs ainsi qu'à l'ouest de ces lacs. Le camping a également grandement progressé le long du chemin d'entrée où nous retrouvons plusieurs sites situés sur les rues Des Érables, Des Saules et la Terrasse jaune.
[128] L'analyse des plans R-53 A, R-51 B et R-51 A confirme la concentration du camping autour des lacs avant 1988.
[129] Il nous semble évident qu'en 1991, le camping utilise déjà une superficie supérieure de 50% à celle utilisée en 1974. Il s'étend maintenant de la ligne ouest du lot jusqu'à l'orée du bois. Nous constatons d'ailleurs sur la photographie reproduite à l'annexe II F, de la pièce R-16, des chemins et des tables de pique-nique que nous retrouvons maintenant à la Terrasse du campeur (Terrasse jaune). L'on constate également, à l'annexe II F, que des roulottes sont installées dans le boisé en 1990. Par contre, en comparant la photographie de l'annexe II F à la photographie R-18[44] et selon le témoignage de l'expert Boisvenue, on constate que les roulottes installées dans le boisé se trouvent à l'ouest de la ligne de 66 mètres que l'on retrouve aux conclusions de la requête de la demanderesse.
[130] Lorsqu'en 2003, la municipalité tente de rendre conforme l'usage du camping utilisé par la défenderesse, elle tente d'inclure dans la zone commerciale où le camping est maintenant permis, la superficie du terrain pour laquelle elle reconnaît des droits acquis à la défenderesse.
[131] La demanderesse aurait peut-être pu ou dû inclure, dans la zone commerciale, l'entrée du camping et le terrain de balle mais elle n'en avait aucunement l'obligation. Elle a usé de son pouvoir discrétionnaire pour créer la zone IN04R qui est maintenant zonée résidentielle mais sur laquelle la défenderesse détient des droits acquis de l'utiliser comme elle le faisait avant 1991.
[132] Puisque la demanderesse avait l'intention de créer une zone tampon entre le camping et les résidences, il était obligatoire pour elle de créer une zone résidentielle plus grande que la zone tampon qu'elle désirait obtenir.
[133] L'autre indice fort révélateur de l'augmentation de l'usage du terrain est qu'en août 1980, monsieur Serge Chouinard, un des auteurs de la défenderesse, reconnaît, qu'à cette date, le permis d'exploitation de Camping Granby n'est que pour 48 emplacements de camping pour tentes sans prise d'égout[45]. Malgré la limite du permis de camping, pour lequel nous reviendrons dans d'autres chapitres, une note de service du 2 novembre 1977 indique que l'on dénombre sur le terrain plus de 150 sites.
[134] Une lettre adressée le 29 juin 1988 indique que malgré l'autorisation d'exploitation de 163 sites, Camping Granby en exploitait alors 255[46]. Une autre lettre[47], vraisemblablement rédigée le 16 novembre 1989, en provenance de la Direction de l'hôtellerie du ministère du Tourisme, indique que Camping Granby avait aménagé et exploitait 324 sites au 16 novembre 1989.
[135] Il est donc logique de croire qu'entre 1974 et 1991, Camping Granby avait déjà augmenté sa superficie d'exploitation de plus de 50%.
[136] Tel que déjà mentionné, la défenderesse ne peut aujourd'hui décider que le 50% d'augmentation auquel elle pouvait avoir droit entre 1974 et 1991, sera pris dans le boisé et non pas dans la zone maintenant zonée commerciale.
[137] À cela, il faut ajouter les nombreux sites que nous retrouvons à l'ouest du terrain de balle. Un nouveau lac a été creusé[48] et près de 100 sites ont été établis autour de ce lac. Nous retrouvons cette mention (97-4) à la page 20 du rapport de Martin Boisvenue.
[138] En conclusion, le tribunal croit, que dès 1991, la défenderesse avait atteint la superficie possible maximale de 50% d'agrandissement.
[139] Par chance pour la défenderesse, la demanderesse a décidé, en 2003, de rendre son usage conforme en modifiant le règlement de zonage dans la zone IN03C.
[140] Une partie du terrain occupé dans la zone IN04R l'était déjà avant 1991 et bien que la défenderesse n'était pas en droit d'agrandir son occupation après 1991, celle qu'elle occupait déjà avant cette date bénéficie de droits acquis.
[141] En conséquence, il est facile de constater que tout ce qui se trouve au sud et à l'est du terrain de balle dans la zone IN04R aurait été construit illégalement et sans bénéficier de droits acquis, puisque la généralisation avait déjà atteint 50% de la superficie de 1974.
[142] Le tribunal pourrait donc aisément établir que la zone bénéficiant de droits acquis à un usage dérogatoire se trouverait à l'ouest du boisé se trouvant dans la zone IN04R en date du 22 mai 1991.
[143] En effet, l'usage comme camping à l'intérieur du boisé est trop aléatoire pour que la défenderesse puisse prétendre à des droits acquis, sauf pour les roulottes que l'on voit à l'annexe II F mais qui se trouvent de toute façon à l'ouest de la ligne de 66 mètres aux conclusions de la requête.
[144] D'autre part, tel que déjà mentionné, l'étude de l'usage effectif du terrain comme camping a été faite en prenant pour acquis que l'usage était conforme à la Loi sur la qualité de l'environnement et à la Loi sur la protection du territoire agricole.
[145] La défenderesse peut-elle prétendre à une généralisation de ses droits acquis à l'usage du terrain comme camping si cet usage n'est pas conforme à la Loi sur la qualité de l'environnement et à la Loi sur la protection du territoire agricole ? Nous le verrons dans le prochain titre.
[146] Avant d'étudier cette question, il y a lieu de faire une constatation de faits.
[147] Comme dans un cas où un juge rejette une action en responsabilité, mais évalue tout de même les dommages qu'il aurait accordés s'il avait maintenu l'action afin de faciliter la révision du jugement si besoin est, le présent tribunal déterminera quelle aurait été sa décision s'il avait déclaré inopposable à la défenderesse la réglementation de 1991. Dans ce cas, le tribunal aurait dû établir quel était l'usage effectif par la défenderesse en date du 21 novembre 2003, soit l'entrée en vigueur du règlement de zonage 2452-2003.
[148] Dans ce cas, le tribunal en serait venu à la conclusion que tous les sites aménagés à l'est du chemin nommé « du Sous-Bois » sur les plans R-82 B, R-102 A, B et C l'ont été en 2004 et 2005. Cette section est bien démontrée sur le plan produit par l'expert Boisvenue sous la cote R-102 B.
[149] De même l'ensemble des chemins identifiés sous les lettres « BBB » ainsi que tous les sites identifiés par les lettres « AA à NN » sur l’annexe B, jointe à la transaction signée par les parties en juillet 2006 et homologuée par l’honorable François Tôth, j.c.s. le 14 mars 2007, ont été construits ou aménagés après 2003
Droits acquis à un usage dérogatoire à la Loi sur la qualité de l'environnement (L.Q.E.)
[150] Le 21 décembre 1972, la Loi sur la qualité de l'environnement[49] (L.Q.E.) est entrée en vigueur sauf en ce qui a trait à certains articles non pertinents aux présentes.
[151] Lors de l'entrée en vigueur de la loi, les deux premiers paragraphes de l'article 32 se lisaient comme suit :
« 32. Nul ne peut établir un aqueduc, une prise d'eau d'alimentation, des appareils pour la purification de l'eau, ni procéder à l'exécution de travaux d'égout ou à l'installation de dispositifs pour le traitement des eaux usées avant d'en avoir soumis les plans et devis au Directeur et d'avoir obtenu son autorisation.
Autorisation.
Cette autorisation est également requise pour les travaux de reconstruction, d'extension d'installations anciennes et de raccordements entre les conduites d'un système public et celles d'un système privé.
[...] »
[152] Bien que la loi ait été amendée à plusieurs reprises depuis, les deux premiers paragraphes de l'article 32 n'ont pas été modifiés.
[153] Lors de l'entrée en vigueur de la Loi sur la qualité de l'environnement, le 21 décembre 1972, l'article 33 de ladite loi se lisait comme suit :
"33. Nul ne peut aménager ni exploiter un terrain d'amusement, de camping, de roulottes, une colonie de vacances ou une plage publique à moins qu'ils ne soient desservis par un système d'aqueduc et un système d'égout autorisés par le Directeur ou que ce dernier n'ait autorisé un autre mode d'alimentation en eau et d'évacuation des eaux usées, selon les modalités déterminées par règlement du gouvernement."
(La mise en relief est de nous.)
[154] Le 22 décembre 1978, suite à un amendement de la loi, l'article 33 se lit dorénavant comme suit :
« 33. Nul ne peut aménager ni exploiter un terrain d'amusement, de camping, de roulottes, un parc de maisons mobiles, une colonie de vacances ou une plage publique ni entreprendre la vente de lots d'un développement domiciliaire défini par règlement du gouvernement à moins qu'ils ne soient desservis par un système d'aqueduc et un système d'égout autorisés par le Directeur selon l'article 32 ou qu'il ne détienne un permis délivré en vertu des articles 32.1 ou 32.2 ou que le Directeur n'ait autorisé, selon les modalités déterminées par règlement du gouvernement un autre mode d'alimentation en eau et d'évacuation des eaux usées. »
(La mise en relief est de nous.)
[155] Par la suite, bien que des modifications mineures sont apportées audit article, lesquelles entrent respectivement en vigueur le 1er avril 1980 et le 1er décembre 1997, celui-ci demeure substantiellement le même et se lit, en date de l'entrée en vigueur de la dernière modification le 1er décembre 1997, comme suit :
« 33. Nul ne peut aménager ni exploiter un terrain d'amusement, de camping, de roulottes, un parc de maisons mobiles, une colonie de vacance ou une plage publique ni entreprendre la vente de lots d'un développement domiciliaire défini par règlement du gouvernement à moins qu'ils ne soient desservis par un système d'aqueduc et un système d'égout autorisés par le ministre selon l'article 32 ou qu'il ne soit titulaire d'un permis délivré en vertu des articles 32.1 ou 32.2 ou que le ministre n'ait autorisé, selon les modalités déterminées par règlement du gouvernement un autre mode d'alimentation en eau et d'évacuation des eaux usées. »
(La mise en relief est de nous.)
[156] Lors de l'entrée en vigueur du chapitre 49 des lois de 1972, l'article 44 de la Loi sur la qualité de l'environnement se lit comme suit :
« 44. Toute personne exploitant un système d'aqueduc, d'égout ou de traitement des eaux qui n'a pas obtenu en vertu de toute loi antérieure un permis d'exploitation doit, avant le 21 décembre 1973, soumettre au Directeur une demande de permis d'exploitation.»
[157] Les articles 33 et 44 L.Q.E. font donc en sorte qu'après le 21 décembre 1973, nul ne peut exploiter un terrain de camping sans avoir un permis d'exploitation d'un système d'aqueduc et d'égout autorisé par le ministre.
[158] Par la suite, bien que des modifications mineures sont apportées audit article, celui-ci est demeuré substantiellement le même et se lit, en date de l'entrée en vigueur de la dernière modification le 22 février 1989, comme suit :
« 44. Toute personne exploitant un système d'aqueduc, d'égout ou de traitement des eaux qui n'a pas obtenu en vertu de toute loi antérieure un permis d'exploitation doit, avant le 21 décembre 1973, soumettre au ministre une demande de permis d'exploitation. »
[159] En date du 23 août 1977, une lettre adressée au propriétaire de l'époque, M. Serge Chouinard[50], ainsi qu'un rapport d'infraction préparé par M. Jean-François Boulet des Services de protection de l'environnement en date du 2 novembre 1977[51], confirment que « Camping Granby enr. » exploite un terrain de camping alors que ce terrain n'est pas desservi par un système d'aqueduc et un système d'égout autorisés par le Directeur.
[160] La preuve révèle que l'aménagement et l'exploitation du terrain de camping par « Camping Granby enr. », avant que ce terrain ne soit desservi par un système d'aqueduc et un système d'égout autorisés par le Directeur, sont illégaux et en contravention directe avec la Loi sur la qualité de l'environnement, une loi d'ordre public.
[161] Ce n'est que le 18 août 1978 que « Camping Granby enr. », opéré alors par M. Serge Chouinard, obtient un certificat d'autorisation permettant l'exécution des travaux décrits audit certificat d'autorisation[52].
[162] Par contre, malgré le certificat d'autorisation, les travaux décrits au certificat ne sont pas réalisés en conformité avec ce certificat et « Camping Granby enr. » continue à exploiter de nombreux sites de camping alors que ceux-ci ne sont toujours pas desservis par un système d'aqueduc et d'égout autorisés par le Directeur.
[163] Monsieur Pierre Verreault, ingénieur maintenant à la retraite et qui a travaillé pour le ministère de l'Environnement à compter de janvier 1977, a témoigné. Le rapport d'inspection R-67 confirme que plusieurs sites sont desservis par des barils de 45 gallons en métal dans lesquels sont récupérées les eaux usées des roulottes. Ces barils troués sont enterrés et servent de système septique aux sites. Cette façon de faire est complètement illégale. Les pièces R-22, R-49, R-70, R-45, R-78, R-69 et R-68 sont toutes des pièces démontrant que le système d'égout n'est pas conforme aux normes environnementales. La lettre R-79 confirme la non-conformité le 13 juin 1980. Le témoin Verreault confirme que même si les installations ne sont pas conformes, il n'y a pas de rejet dans l'environnement. Le ministère fait preuve d'une certaine tolérance, mais rendu en 1980 ou 1981, il n'y a plus de tolérance possible et la situation doit être corrigée.
[164] Malgré l'obtention du certificat d'autorisation, le 24 octobre 1979[53], le nombre d'unités de roulottes pouvant être desservies passe de 151 à 161 et le nombre d'unités de tentes de 143 à 93, soit une diminution de 40 unités.
[165] Par contre, un rapport de Pierre Verreault[54] confirme, qu'en date du 10 juin 1980, les travaux décrits au certificat ne sont toujours pas effectués et que l'exploitation de la quasi-totalité des sites de camping existant continue à se faire sans que ces sites ne soient desservis par un système d'aqueduc et d'égout autorisés par le Directeur.
[166] L'auteur en titre de la défenderesse, monsieur Serge Chouinard, confirme d'ailleurs, qu'en août 1980[55], le permis d'exploitation de Camping Granby n'est que pour 48 emplacements de camping.
[167] En date du 2 novembre 1977, monsieur Jean-François Boulet[56], inspecteur en hygiène publique des services de protection de l'environnement, écrit une note confirmant que le permis du ministère du Tourisme implique seulement 48 sites sans égout alors que nous en dénombrons déjà plus de 150 dont plusieurs ont des égouts individuels.
[168] En date du 24 novembre 1980, une lettre adressée à Serge Chouinard par le ministère du Tourisme[57] confirme que la capacité maximale permise pour Camping Granby est uniquement de 74 emplacements de roulotte et 49 emplacements de tente pour un nombre total de 123.
[169] En date du 11 juillet 1985, Camping Granby est autorisé à augmenter le nombre de sites à 163[58]. C'est d'ailleurs ce nombre de sites autorisés (163) qui apparaît dans le Guide 87 du camping[59].
[170] Or, le 29 juin 1988, malgré une autorisation d'exploitation de 163 sites, Camping Granby en exploite au moins 255[60]. Au 16 novembre 1989, Camping Granby exploite 324 sites alors qu'il n'est autorisé à en exploiter que 183[61].
[171] Tel qu'admis par la défenderesse, Camping Granby enr exploite, en janvier 1995, près de 390 sites[62] alors que le permis obtenu du ministère du Tourisme n'autorise l'exploitation que de 265 sites.
[172] Monsieur André Rainville, qui a été entendu par le tribunal, est propriétaire du Camping Granby de 1980 à janvier 1995. Non seulement celui-ci admet qu'il savait que le terrain de camping n'était pas opéré de façon conforme, mais il a aménagé et exploité pendant toute cette période des sites qui ont dépassé de façon importante le nombre de sites autorisé par la loi.
[173] Monsieur Élias Kassab, qui a été également entendu, a témoigné sur son rapport[63] qu'il a préparé pour la défenderesse le 24 juillet 1997. Ce rapport confirme que la défenderesse a systématiquement modifié les systèmes d’égout autorisés par le Directeur des services de protection de l’environnement en ajoutant au minimum à trois des six systèmes d’épuration existants, de nombreux sites additionnels non autorisés. Il est à noter que la modification non autorisée d'un système d'épuration rend l'exploitation de ce système d’épuration illégale pour l’ensemble des sites reliés au système. L'article 32 L.Q.E. est très clair à cet effet, nul ne peut établir ni procéder à l'exécution de travaux d'égout sans en avoir soumis les plans au Directeur et avoir obtenu son autorisation. Cette autorisation est également requise pour les travaux de reconstruction, d'extension et de raccordement.
[174] Le rapport préparé par l'ingénieur Kassab confirme que des raccords non autorisés par le Directeur avaient été faits au système d'épuration existant. Les systèmes conçus pour un nombre maximal de sites débordaient puisqu'on y ajoutait plusieurs sites dépassant leur capacité.
[175] La demanderesse a donc raison lorsqu'elle affirme qu'autant Camping Granby enr. en 1994 (et de toute évidence depuis de nombreuses années), que la défenderesse Camping Granby inc., à partir de janvier 1995, exploitaient illégalement et sans droit un minimum de 237 sites (135 sites non autorisés et 102 sites - système altéré). Puisque l'on dénombre l’existence et l’utilisation de 390 sites, les sites exploités illégalement représentent plus de 60% du total des sites aménagés et exploités.
[176] Devant la Cour, Philippe Lussier, actionnaire de la défenderesse, a confirmé qu'en toute connaissance de cause et systématiquement, la défenderesse a continué, jusqu'au début des années 2000, l'exploitation illégale et sans droit d'au moins 237 sites. Celui-ci a remplacé des barils de métal qui servaient de système d'épuration pour des sites individuels. Il a également creusé une tranchée à partir d'un système de champs d'épuration pour agrandir celui-ci. Non seulement ces travaux n'étaient pas conformes, mais ils étaient faits de façon illégale.
[177] De la preuve faite, le tribunal conclut donc qu'autant Maurice Dandurand que Serge Chouinard, André Rainville et Philippe Lussier ont exploité un terrain de camping à l'encontre de la Loi sur la qualité de l'environnement.
[178] Le 16 août 1995[64], une inspection est effectuée au camping qui donne lieu à un avis d'infraction daté du 28 août 1995[65]. Cet avis d'infraction affirme même que la défenderesse a épandu de l'huile usée pour abattre de la poussière dans ses chemins.
[179] Dans une action intentée en 1998[66], la défenderesse admet qu'elle ne détenait pas, le 13 janvier 1995, tous les permis et certificats d'autorisation requis en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement.
[180] Ce n'est qu'au début des années 2000 que la défenderesse s'est finalement rendue conforme à la Loi sur la qualité de l'environnement en reliant son système d'égout à celui de la ville de Granby.
[181] La défenderesse est donc malvenue de prétendre que la ville de Granby, lors de la modification des règlements en 1991, aurait dû inclure sa propriété dans une zone permettant l'usage d'un terrain de camping alors que l'usage qu'elle effectuait était à l'encontre d'une loi d'ordre public.
[182] À compter du 21 décembre 1973, tous les agrandissements effectués par la défenderesse et ses auteurs en titre l'ont été à l'encontre de la Loi sur la qualité de l'environnement.
[183] Le fait de rendre l'opération conforme à une loi d'ordre public, alors que pendant 27 ans, la défenderesse opère en contravention à cette loi peut-il permettre à la défenderesse de prétendre à des droits acquis à un usage dérogatoire pendant cette période ?
[184] Il est de jurisprudence constante « que les droits acquis n'existent que lorsque l'usage dérogatoire antérieur à l'entrée en vigueur des dispositions prohibant un tel usage était légal »[67].
[185] En conséquence, nous devons nous reporter, encore une fois, à l'occupation exercée par la défenderesse avant le 23 novembre 1974, soit la date d'annexion du territoire du canton de Granby. De fait, il faudrait se placer au 21 décembre 1973, date à laquelle la loi de 1972 prévoyait que les exploitants devaient être conformes. Le fait que les lots soient situés dans une zone où le camping est permis de 1980 à 1982 n'a aucune incidence puisque l'usage du terrain comme camping est illégal en vertu d'une loi d'ordre public.
[186] Par contre, puisque la défenderesse s'est tout de même rendue conforme à la Loi sur la qualité de l'environnement en 2000 et puisque la demanderesse a toujours reconnu à la défenderesse des droits acquis à l'exploitation d'un camping, nous croyons que la généralisation de l'occupation du terrain en y ajoutant 50% de l'occupation de 1974, serait un exercice valable de la discrétion que possède le tribunal.
[187] En effet, il ne faut pas oublier que l'entrée du camping est utilisée depuis au moins 1972 et que le terrain de balle que l'on retrouve toujours sur le camping est utilisé depuis très longtemps.
[188] Cela nous ramène également à la limitation de la généralisation des droits acquis dont nous avons discuté au chapitre 2 du présent jugement.
[189] Une grande partie de la présente décision est purement théorique puisque la majorité du terrain utilisé comme camping se trouve maintenant dans la zone IN03C zonée commerciale. L'exploitation du camping y est donc maintenant légale.
[190] Il reste la zone IN04R où seule l'utilisation résidentielle est permise à moins de se conformer au règlement sur les usages conditionnels. Mais, même si une partie du camping se trouve dans une zone résidentielle, le tribunal doit déterminer quelle partie de cette zone bénéficie de droits acquis d'avant 1974.
[191] En conséquence, la même conclusion interdisant l'usage du camping dans le boisé situé à l'est du lot, tel qu'on le connaissait en 1974, serait satisfaisante pour toutes les parties et serait conforme à la preuve qui confirme que des tentes et roulottes se trouvaient à l'orée du boisé en 1973. Pour ce qui est des roulottes que l'on trouve dans le boisé en 1990 (annexe II F), elles sont installées de façon illégale puisqu'en contravention de la L.Q.E. Par contre, même si la défenderesse ne peut bénéficier de droits acquis pour les roulottes se trouvant dans le boisé, puisqu'elles sont à l'ouest de la ligne de 66 mètres, cela n'a pas d'impact sur la requête.
Droits acquis à un usage dérogatoire à la Loi sur la protection du territoire agricole (LPTA)
[192] En date du 12 avril 1980, le décret concernant la protection du territoire agricole adopté par le gouvernement du Québec est entré en vigueur. Toute la propriété de la défenderesse s'est alors retrouvée dans une zone « agricole » au sens de la loi. L'article 101 de la Loi sur la protection du territoire agricole prévoit que :
« Chapitre VII
Droits acquis
101. Une personne peut, sans l’autorisation de la commission, aliéner, lotir et utiliser à une fin autre que l’agriculture un lot situé dans une région agricole désignée, une aire retenue pour fins de contrôle ou une zone agricole, dans la mesure où ce lot était utilisé ou faisant déjà l’objet d’un permis d’utilisation à une fin autre que l’agriculture lorsque les dispositions de la présente loi visant à exiger une autorisation de la commission ont été rendues applicables sur ce lot.
Ce droit n’existe qu’à l’égard de la superficie du lot qui était utilisée à une fin autre que l’agriculture ou pour laquelle un permis d’utilisation à une fin autre que l’agriculture avait déjà été délivré lorsque les dispositions de la présente loi visant à exiger l’autorisation de la commission ont été rendues applicables à ce lot. » (La mise en relief est de nous.)
[193] Il s'agit d'une autre loi d'ordre public qui interdisait à la défenderesse d'effectuer les agrandissements qu'elle a faits de son camping après 1980. Par contre, puisque le terrain en litige n'a été zoné agricole que de 1980 à 1990, cette loi n'a pas d'impact sur la présente décision, sauf pour annihiler toute prétention qu'aurait pu avoir la défenderesse sur des droits acquis parce que le camping était autorisé dans cette zone de 1980 à 1982.
[194] La L.P.T.A. aurait eu un impact sur la présente décision si les roulottes que l'on retrouve dans le boisé s'étaient retrouvées à l'est de la ligne de 66 mètres. En effet, l'usage du lot comme camping s'arrêtait à l'orée du bois en 1980. Toute progression vers l'est, à compter de cette date, devenait illégale. Mais puisque la demanderesse limite sa demande à une bande de 66 mètres, l'analyse devient inutile.
Légalité de l'intensification d'un usage dérogatoire protégé par droits acquis
[195] Vu la décision rendue qui déclare que la défenderesse n'a pas de droits acquis à un usage dérogatoire dans le boisé situé à l'est de la propriété, il n'y a pas lieu de se demander si l'intensification de l'usage dans le boisé a un impact tel qu'il ne s'agirait plus du même type d'activité.
[196] Encore une fois, pour faciliter la révision du présent jugement, le tribunal discutera de ce qu'aurait été sa décision si le règlement de 1991 avait été déclaré inopposable à la défenderesse et si la L.Q.E. et la L.P.T.A. ne devaient pas s'appliquer.
[197] Le tribunal ne croit pas que l'accroissement de l'intensité peut être à ce point considérable qu'il ne s'agit plus du même type d'activité comme l'entend la Cour suprême dans St-Romuald (Ville de) c. Olivier[68].
[198] Par contre, puisque le règlement de 2003 n'est pas contesté et ne semble pas contestable, c'est donc ce règlement qu'il faudrait appliquer. Or, l'article 19 du règlement de zonage[69] prévoit qu'un terrain comportant un usage dérogatoire protégé par droits acquis à la date d'entrée en vigueur du règlement ne peut pas être agrandi.
[199] Puisque le tribunal en est déjà venu à la conclusion qu'en 2003, l'usage du terrain était limité au chemin du boisé[70], le tribunal aurait donc conclu que tout agrandissement à l'est du chemin du boisé se serait fait à l'encontre de la réglementation municipale de 2003. En conséquence, la défenderesse devrait se conformer au règlement sur les usages conditionnels si elle désire exploiter cette partie du terrain.
Pouvoir discrétionnaire de la Cour supérieure de rejeter le recours même en présence d'une situation dérogatoire
[200] Comme le mentionne la Cour d'appel dans Montréal (Ville de) c. Chapdelaine[71] :
« [31] (…) le recours de l'article 227 de la Loi est porteur d'une certaine discrétion dont le tribunal, dans les circonstances particulières et exceptionnelles, peut user afin de refuser le recours même en présence d'une utilisation du sol ou d'une construction incompatible avec la réglementation municipale. Cette discrétion s'étend donc non seulement au choix du remède approprié pour corriger une situation dérogatoire mais aussi, exceptionnellement, lorsque les circonstances l'exigent, à la possibilité de rejeter le recours même après avoir constaté l'existence d'une situation dérogatoire.
[32] Reprenant en cela l'idée exprimée par mon collègue Baudouin dans l'arrêt Abitibi (Municipalité régionale de Comté d'), il me semble normal que les tribunaux gardent une certaine marge de pouvoir discrétionnaire de façon à pallier les injustices qu'une application stricte, rigoureuse et aveugle de la réglementation pourrait parfois entraîner. Cette discrétion me semble souhaitable, voire essentielle, pour permettre aux tribunaux de préserver, exceptionnellement et lorsque les circonstances particulières d'un dossier l'exigent, l'équilibre entre les intérêts de la communauté et ceux d'un individu.
[33] La jurisprudence traitant à ce jour de l'article 227 de la Loi reconnaît qu'il y a place à cette discrétion lorsque les dérogations reprochées sont mineures ou de peu d'importance9 ou lorsque les conclusions recherchées par le requérant ne procureront aucun résultat pratique en raison du caractère théorique de l'ordonnance10. À ces situations, je propose donc d'ajouter qu'il y a aussi place à la discrétion judiciaire, exceptionnellement, lorsque les circonstances tout à fait particulières d'un dossier l'exigent pour éviter les injustices qu'une application stricte, rigoureuse et aveugle de la réglementation pourrait entraîner. »
[201] Un peu plus loin, le juge Chamberland, parlant pour la Cour, mentionne :
« [52] Sans élaborer une théorie générale sur le sujet, je retiens que les tribunaux refuseront la demande de la municipalité si nous retrouvons l'ensemble des éléments suivants :
· Il doit s’agir de circonstances exceptionnelles et rarissimes.
· L’intérêt de la justice doit commander le rejet du recours.
· La personne en contravention de la réglementation municipale doit avoir été diligente et de bonne foi. Elle ne doit pas avoir connu la contravention préalablement.
· L’effet du maintien de la contravention ne doit pas avoir une conséquence grave pour la zone municipale touchée.
· Il doit y avoir existence d’un délai déraisonnable (généralement plus de 20 ans) et inexcusable de la part de la municipalité.
· Il doit y avoir eu un acte positif de la municipalité (émission de permis, perception de taxes).
· La situation dérogatoire ne doit pas avoir pour effet de mettre en danger la santé ou la sécurité publique, l’environnement et le bien-être général de la municipalité.
[53] À mon avis, ces critères doivent être regroupés en trois catégories :
· Les agissements de la municipalité.
· Les agissements de la personne en contravention.
· Les effets du maintien de la situation dérogatoire.
[54] Les agissements de la municipalité comprennent le délai déraisonnable et inexcusable et des actions positives de sa part.
[55] Les agissements de la personne en contravention comprennent sa diligence, sa bonne foi et son absence de connaissance de la contravention.
[56] Les effets du maintien de la situation dérogatoire comprennent l’intérêt de la justice, les circonstances exceptionnelles et rarissimes de la situation, les conséquences pour la zone municipale touchée et finalement la santé et sécurité publique, l’environnement et le bien-être général de la municipalité. »
[202] Ni la défenderesse ni ses auteurs en titre n’entrent dans cette catégorie qui permettrait au tribunal d'user d'une discrétion pour rejeter le recours.
[203] Bien sûr, la municipalité a déclaré à plusieurs reprises à la défenderesse qu'elle bénéficiait de droits acquis. Par contre, celle-ci ne s'est jamais prononcée sur l'étendue de ceux-ci, mais a toujours référé la défenderesse à sa réglementation municipale.
[204] De plus, la défenderesse ne possède pas la bonne foi nécessaire à l'application d'une discrétion par le tribunal, bien au contraire.
[205] Des témoignages entendus, le tribunal comprend que les règles ne s'appliquent à la défenderesse que lorsqu'elle en bénéficie. Philippe Lussier admet qu'au moins en 2001, si nous prenons la date qui lui est la plus favorable, il est avisé de l'usage dérogatoire et qu'on le réfère à l'usage effectif de 1974. Monsieur Lussier reçoit la lettre D-5, la lettre R-84 et malgré les avis d'infractions, il continue les travaux sans se soucier de leur légalité. Il affirme qu'un avocat lui a dit de continuer son agrandissement et c'est ce qu'il a fait. Il affirme également que « la ville n'avait qu'à me poursuivre et c'est ce qu'elle a fait. » Il demande des permis de construction qui lui sont refusés, mais il continue quand même et effectue les travaux sachant qu'il n'a pas de permis.
[206] Par contre, lorsqu'il fait une demande de permis et l'obtient, il en tire argument pour affirmer que la ville lui reconnaît des droits acquis. En fait, c'est à peu près la seule utilité qu'ont les permis de construction pour la défenderesse. Si elle ne l'obtient pas, elle construit tout de même et si elle l'obtient, elle en tire un argument contre la défenderesse.
[207] La pièce R-14 confirme les diverses infractions commises par la défenderesse sans qu'elle s'en souci. Le 10 mars 2008, la défenderesse et Philippe Lussier sont condamnés pour outrage au tribunal pour une deuxième fois[72]. Dans son jugement, le juge Bellavance[73] mentionne :
« [14] L'intimé, Philippe Lussier, n'a jamais eu l'intention de suivre les dictées de la Loi. Il a toujours eu l'intention de faire construire la bâtisse par les campeurs "bénévoles". Dans sa décision du 24 août 2006, la commissaire Mireault disait ceci, au paragraphe 23 :
"[23] Le 3 août, Philippe Lussier en compagnie de Jacques Brochu rencontre Normand Cool. Il est question du champ d'application de la Loi et des conséquences d'une ordonnance de suspension de travaux. Philippe Lussier déclare qu'il n'a pas l'intention d'obtenir de licence de constructeur propriétaire ou d'engager un entrepreneur général ni de salariés titulaires de certificats de compétence. Il réitère que les travaux sont effectués par des bénévoles et déclare qu'il va contester l'ordonnance de suspension de travaux."
[15] Philippe Lussier n'a pas changé d'idée. Il se moque du système judiciaire et de ses ordonnances et, tant lui que sa compagnie, méritent l'amende maximale. »
[208] Le jugement mentionne qu'il se moque des lois et son témoignage devant le tribunal le confirme. Si c'était à refaire, il referait exactement la même chose. Selon son témoignage, le fait qu'il soit plus dispendieux pour lui de respecter la loi lui permet de ne pas la respecter. Dans un rapport[74] relatif à une inspection du 16 septembre 2005, Denis Charbonneau, inspecteur en bâtiment, mentionne que :
« Monsieur Lussier tente de nous faire comprendre qu'il connaît plus que les fonctionnaires municipaux les principes d'aménagement de sites de camping et qu'il ne peut prévoir à l'avance et avec exactitude leurs emplacements. "Çà dépend des obstacles et de la topographie rencontrés.»
[209] Il mentionne également :
« Monsieur Lussier nous mentionne que de toute façon, comme lui ont déjà dit d'autres promoteurs qui ont déjà eu maille à partir avec la ville, tu fais ce que tu as à faire et la ville accepte la situation ou change ses règlements pour rendre les travaux conformes.»
[210] Lors de son témoignage, Philippe Lussier confirme qu'il peut avoir fait cette déclaration.
[211] La défenderesse ne peut donc prétendre avoir la bonne foi nécessaire pour permettre à la Cour supérieure d'exercer une discrétion pour refuser l'application de la réglementation municipale. Dans les faits, la défenderesse peut se compter chanceuse que la demanderesse ait modifié sa réglementation pour rendre l'usage « camping » légal sur une grande partie de son terrain.
[212] Le recours de la demanderesse doit donc être accueilli.
Conclusions recherchées
[213] Même si le recours de la demanderesse doit être accueilli, toutes les conclusions recherchées ne peuvent être accordées. Ainsi, la demanderesse demande au tribunal d'interdire aux utilisateurs du camping l'accès à la partie du lot située dans la zone IN04R que l'on peut qualifier de boisé. Le tribunal ne peut accorder une ordonnance aussi large. Le fait que certains campeurs puissent s'aventurer dans le boisé pour y cueillir des petits fruits ou le bois sec nécessaire à l'alimentation d'un feu de camp ne signifie pas nécessairement qu'il s'agit d'une utilisation comme camping.
[214] D'ailleurs, de la preuve entendue, les résidents riverains ont utilisé le boisé situé sur l'immeuble de la défenderesse comme si le terrain leur appartenait, en y jetant des feuilles à l'automne et en s'y promenant.
[215] De plus, une telle ordonnance serait très difficile d'application. Par contre, la défenderesse ne devra rien faire pour faciliter l'utilisation du boisé par les campeurs pour s'y promener. La défenderesse devra également procéder à l'enlèvement des matériaux utilisés pour aménager les ouvrages, chemins et sites de camping aménagés ou en voie d'aménagement dans la partie du lot mesurant 66 mètres par 459 mètres qui longe la ligne est du lot de la défenderesse tel que montrés à la photo aérienne R-102 C, à moins de se conformer au règlement sur les usages conditionnels (pièce R-5).
[216] La demanderesse demande également qu'il soit ordonné à la défenderesse, une fois l'enlèvement des matériaux et la re-végétalisation complétés, de mettre en place un écran végétal à une distance de 40 mètres de la ligne est de la zone IN04R. Le tribunal ne peut faire droit à cette demande. En effet, une fois que le tribunal a déterminé que la défenderesse a un droit acquis à un usage dérogatoire jusqu'à l'orée du boisé situé à l'est du terrain, rien n'empêche la défenderesse de couper les arbres situés dans ce boisé, pourvu que cela n’aille pas à l'encontre de toute autre loi ou réglementation municipale.
[217] Par contre, la défenderesse doit être consciente qu'elle ne doit faire aucun agrandissement ou ajout dans toute la zone IN04R qui agrandirait l'utilisation effective à compter de l'adoption de la réglementation de 2003. Si la défenderesse désire ajouter, ne serait-ce qu'un seul site qui ne s'y trouvait pas en 2003, elle devra se conformer au règlement sur les usages conditionnels de la demanderesse.
[218] Évidemment, le tribunal aurait préféré avoir une description cadastrale exacte qui aurait reproduit les pointillés délimitant le boisé sur la photo R-102 C, mais à défaut de mieux, le tribunal établira la ligne du boisé à 66 mètres de la ligne est du terrain, ce qui est d'ailleurs conforme aux conclusions recherchées par la demanderesse. Cela a aussi l'avantage de respecter le choix de la demanderesse qui a limité sa demande à 66 mètres, respectant en cela les règles de proportionnalité édictées par l'article 4.2 C.p.c. Pourquoi faire établir une description cadastrale pour une infime partie de terrain alors que le but ultime de la procédure est de faire respecter la réglementation municipale dans l'ensemble d'une zone ?
[219] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[220] ACCUEILLE en partie la requête ré-amendée datée du 5 avril 2009;
[221] DÉCLARE que la partie suivante du lot 1 141 203 du Cadastre du Québec, à savoir :
- la partie du lot 1 141 203 située dans la zone IN04R délimitée à l’est par la limite est de ladite zone IN04R, de là à partir du coin nord-est à angle droit vers l’ouest sur une distance de soixante-six (66) mètres suivant la limite nord de la zone IN04R; de là à angle droit en direction sud sur une distance d’environ quatre cent cinquante-six mètres (456) mètres jusqu’à la limite sud de la zone IN04R; de là à angle droit sur une distance de soixante-six (66) mètres en direction est jusqu’à la limite est de ladite zone IN04R.
ne bénéficie pas de droits acquis pour l'usage « terrain de camping »;
[222] ORDONNE sous toutes peines que de droits à la défenderesse, à ses dirigeants, représentants et employés, sur signification de la présente ordonnance de cesser d’utiliser la partie suivante du lot 1 141 203 du cadastre du Québec, à savoir :
- la partie du lot 1 141 203 située dans la zone IN04R délimitée à l’est par la limite est de ladite zone IN04R, de là à partir du coin nord-est à angle droit vers l’ouest sur une distance de soixante-six (66) mètres suivant la limite nord de la zone IN04R; de là à angle droit en direction sud sur une distance d’environ quatre cent cinquante-six mètres (456) mètres jusqu’à la limite sud de la zone IN04R; de là à angle droit sur une distance de soixante-six (66) mètres en direction est jusqu’à la limite est de ladite zone IN04R.
à un usage autre que ceux autorisés par le Règlement de zonage n° 2452-2003 et le Règlement n° 2476-2003 sur les usages conditionnels de la demanderesse, soit plus particulièrement :
[223] ORDONNE à la défenderesse, ses dirigeants, représentants et employés:
DE CESSER et FAIRE CESSER immédiatement l’usage « terrain de camping » dans la partie suivante du lot 1 141 203 du cadastre du Québec, à savoir :
- la partie du lot 1 141 203 située dans la zone IN04R délimitée à l’est par la limite est de ladite zone IN04R, de là à partir du coin nord-est à angle droit vers l’ouest sur une distance de soixante-six (66) mètres suivant la limite nord de la zone IN04R; de là à angle droit en direction sud sur une distance d’environ quatre cent cinquante-six mètres (456) mètres jusqu’à la limite sud de la zone IN04R; de là à angle droit sur une distance de soixante-six (66) mètres en direction est jusqu’à la limite est de ladite zone IN04R.
et ce, tant aussi longtemps que la défenderesse n’aura pas obtenu l’autorisation du conseil de la demanderesse d’implanter et d’exercer un usage de « terrain de camping » dans cette zone;
DE CESSER et FAIRE CESSER immédiatement l’exécution de tous travaux de terrassement, d'aménagement et d’abattage d’arbres en vue d'aménager ou d'utiliser un terrain de camping sur la partie suivante du lot 1 141 203 du cadastre du Québec, à savoir :
- la partie du lot 1 141 203 située dans la zone IN04R délimitée à l’est par la limite est de ladite zone IN04R, de là à partir du coin nord-est à angle droit vers l’ouest sur une distance de soixante-six (66) mètres suivant la limite nord de la zone IN04R; de là à angle droit en direction sud sur une distance d’environ quatre cent cinquante-six mètres (456) mètres jusqu’à la limite sud de la zone IN04R; de là à angle droit sur une distance de soixante-six (66) mètres en direction est jusqu’à la limite est de ladite zone IN04R.
et ce, tant et aussi longtemps que la défenderesse n’aura pas obtenu tous les permis et autorisations requis pour implanter et exercer un usage de terrain de camping sur ladite partie de lot;
[224] ORDONNE à la défenderesse, ses dirigeants et représentants d’exécuter ou faire exécuter tous les travaux nécessaires afin de remettre le sol à son état initial, et ce, dans les 120 jours de la signification de la présente ordonnance dans la partie suivante du lot 1 141 203 du cadastre du Québec, savoir :
- la partie du lot 1 141 203 située dans la zone IN04R délimitée à l’est par la limite est de ladite zone IN04R, de là à partir du coin nord-est à angle droit vers l’ouest sur une distance de soixante-six (66) mètres suivant la limite nord de la zone IN04R; de là à angle droit en direction sud sur une distance d’environ quatre cent cinquante-six mètres (456) mètres jusqu’à la limite sud de la zone IN04R; de là à angle droit sur une distance de soixante-six (66) mètres en direction est jusqu’à la limite est de ladite zone IN04R;
- en procédant à l’enlèvement des matériaux utilisés pour aménager tous les ouvrages, chemins ou sites de camping aménagés ou en voie d’aménagement dans ladite partie de lot ci-haut décrite;
- en procédant, une fois l’enlèvement des matériaux complété, à la re-végétalisation au moyen de terre végétale des chemins ou parties de chemins et des sites;
[225] À DÉFAUT PAR la défenderesse d'effectuer lesdits travaux d’enlèvement de matériaux dans le délai imparti :
PERMET à la demanderesse de faire exécuter lesdits travaux aux frais de la défenderesse;
[226] DÉCLARE que la partie du terrain de la défenderesse située dans la zone IN04R (sauf la bande de 66 mètres ci-haut décrite), bénéficie d'un droit acquis à un usage dérogatoire en 2003 mais que cet usage ne peut être agrandi après cette date;
[227] INTERDIT à la défenderesse, sous toutes peines que de droits, d'agrandir de quelque façon que ce soit l'usage qu'elle fait du terrain dans la zone IN04R à moins de se conformer au règlement no 2476-2003 sur les usages conditionnels de la demanderesse;
[228] LE TOUT avec dépens, y compris les frais d'expertise.
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____________________________ GAÉTAN DUMAS, j.c.s. |
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Me Guy Achim |
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MONTY COULOMBE |
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Procureurs de la demanderesse |
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Me Benoit Galipeau |
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Gaudet Galipeau Parcel |
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Procureurs de la défenderesse |
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Dates d’audience: |
16 au 27 mars 2009 |
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Prise en délibéré suite à la production de
diverses pièces et procédures amendées : 11 mai 2009
Doctrine et jurisprudence consultées
L'Ange-Gardien (Municipalité de) c. 3374751 Canada inc., 2008 QCCA 57 ;
Huot et al. c. Municipalité de l'Ange-Gardien, AZ-92011785 ;
Val-Bélair (Ville de) c. Entreprises Raymond Denis inc., AZ-98011492 ;
Longueuil (Ville de) c. Gestion A. Godin, 2006 QCCS 1099 ;
Corporation municipale de Saint-Amable c. Brissette et al., C.S. Longueuil 505-05-000854-908, 1991-01-04, juge Gilles Mercure
Gauthier c. Québec (Commission de protection du territoire agricole du), [1989] 1 R.C.S. 859
BARREAU DU QUÉBEC, Développements récents en droit municipal, Rencontre du monde agricole et municipal: les récents développements, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc., p. 131 et ss.;
Hemmingford (Municipalité du canton de) c. Vukobrat, 2006 QCCS 2182 ;
St-Germain de Grantham (Corp. mun. du Village de) c. St-Germain Transport inc., [1980] C.S. 403 ;
BARREAU DU QUÉBÉC, Formation permanente, Droit public et administratif, Vol. 7, Collection de Droit 2008-2009, p.422 et ss.
ST-AMOUR, J.-P., Droit municipal de l'urbanisme discrétionnaire au Québec, 2006, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc., p. 240 et ss.;
Bulletin d'information du Ministère des affaires municipales et de la métropole, Trois nouvelles techniques en matière de contrôle des usages, Muni-Express, No 11, 15 juillet 2002;
Sainte-Anne-des-Plaines (Ville de) c. Dickie, [2001] R.J.Q. 65 ;
Val-D'Or (Ville de) c. 2550-9613 Québec inc., [1997] R.J.Q. 2090 ;
Viens & Frères (1980) inc. c. Ayers Cliff (Municipalité du village d'), 2006 QCCS 1193 ;
Petite-Rivière-St-François (Municipalité de) c. Bouchard, J.E. 2003-1655 ;
Carrières régionales inc. c. Boulanger, 2007 QCCA 1555 ;
Saint-Honoré (Municipalité de) c. Tremblay, B.E. 2003BE-622 ;
BARREAU DU QUÉBEC, Formation permanente, Droit public et administratif, Vol. 7, Collection de Droit 2008-2009, p.449 et ss.;
Mountain Place Service and Valet Shop inc. c. Ville de Montréal, (1971) C.A. 815 ;
Montréal (Ville de) c. New Cheetah Club "69" (The), (1973) C.A. 375
Le Moine c. Corp. mun. de Notre-Dame-du-Portage, (1974) C.S. 46
L'Espérance (Succession de) c. L'Espérance, J.E. 2005-1036 ;
Fabi c. Rock-Forest (Municipalité de), [1998] R.J.Q. 1683 ;
Ste-Madeleine-de-Rigaud (Paroisse de) c. Club de condominiums Sol international inc., J.E. 2003-1611 ;
Stern c. Côte-St-Luc (Cité de), [1996] R.D.J. 286 ;
Denis c. Québec (Ville de), J.E. 2002-1989 ;
LeCHASSEUR, Marc-André, "Le zonage en droit québécois", 2006, Wilson Lafleur ltée;
Cantons Unics de Stoneham et Tewkesbury (Corporation municipale) c. Bureau, EYB 1990-57952;
Québec (Ville de) c. Groupe La Récréathèque inc., EYB 1994-64332 ;
Recyclage St-Michel inc. c. St-Michel (Municipalité de), REJB 1998-06356 ;
FBT Dorval inc. c. Dorval (Cité de), REJ B 2001-22643;
Montréal (Ville de) c. FBT Dorval inc., REJ B 2002-32255;
Saint-Lambert (Municipalité de) c. Larochelle, B.E. 99BE-664 ;
St-Lambert-de-Lauzon (Municipalité de) c. Larochelle, REJB 2001-23079 ;
Saint-Romuald (Ville de) c. Olivier, [2001] 2 R.C.S. 898 ;
Anjou (Ville d') c. Vanier, Cour d'appel, 500-09-001305-788, 8 mars 1983;
Huot c. L'Ange-Gardien (Municipalité de), [1992] R.J.Q, 2404;
Amusement Daniel inc. c. Montréal (Ville de), Cour supérieure, 500-05-003902-937. 29 juin 1993;
Municipalité de la Pêche c. 168227 Canada inc., Cour supérieure, 550-05-001003-915, 27 avril 1994;
Québec (Procureur général) c. Excavation Gagné et Fils, AZ-50073630 ;
Québec (Procureur général) c. Excavation Gagné & Fils, Cour supérieure, 700-05-001136-930, 11 juillet 1994;
2866-4639 Québec inc. c. Sherbrooke (Ville de), REJB 1998-08310 ;
Duchesne c. Jocelyn Harvey Entrepreneur inc., EYB 2005-82914 ;
Veilleux c. Pièces d'autos Roch Drouin inc., REJB 1999-11934 ;
Pierrefonds (Ville de) c. Pépinière de l'Ouest de l'Ile inc. et al., EYB 1990-58279;
Saint-Étienne-de-Bolton (Municipalité de) c. Paradot, Cour supérieure, 455-05-000103-973, 5 mai 1999;
Camping Plein Bois inc. c. Sainte-Marthe (Municipalité de), EYB 2003-49522;
Montréal (Ville de) c. Chapdelaine, REJB 2003-40960 ;
Les Éboulements (Municipalité de ) c. Tremblay et al., REJB 2004-66519 ;
Ste-Barbe (Municipalité de la paroisse de) c. Henry, 2006 QCCA 215 ;
Saint-Gédéon (Municipalité de) c. Boudreault, EYB 2008-131552 ;
SYLVESTRE, Louis-V, "Le régime de protection du territoire et des activités agricoles au Québec et la pratique notariale", 2008;
Bécancour (Corp. municipale de la Ville de) c. Enfoui-Bec J, [1994] R.J.Q. 2469
Développements Vaillancourt inc. c. Rimouski (Ville de), 2008 QCCS 88 ;
Commission de la construction du Québec c. Camping Granby inc., 2008 QCCS 1315 ;
Congrégation des témoins de Jéhovah de St-Jérôme-Lafontaine c. Lafontaine (Village), [2004] 2 R.C.S. 650 ;
Toronto (City) c. Virgo, [1896] A.C. 88;
Miner-Lubecki (Succession de), 2006 QCCS 5184 ;
[1] La partie du lot située dans la zone JN01A n'est pas en litige
[2] Pièce R-3
[3] Pièce R-5
[4] LRQ c. P-41.1, adoptée le 12 avril 1980
[5] Pièce R-8
[6] Pièce R-9
[7] Article 3.2.8.1, Pièce R-8
[8] Pièce R-9
[9] Article 3.2.8, Pièce R-9
[10] La pièce D-4 établit la superficie du lot à 55 hectares. Puisqu'un hectare équivaut à 100 ares et qu'un acre équivaut à 52 ares, un hectare équivaut donc à 2 acres. En conséquence, 55 hectares équivalent à 110 acres (approx.)
[11] Le nombre d'acres indiqué dans cet exemple n'est qu'à titre indicatif et ne repose pas sur la preuve.
[12] Pièce R-4
[13] Pièce R-75, jugement du juge Paul-Marcel Bellavance, j.c.s., le 13 octobre 2006. Normalement un jugement ne fait pas preuve de son contenu dans un autre dossier, mais il y a eu admission que les faits mentionnés dans le jugement du juge Bellavance doivent être considérés comme prouvés.
[14] Pièce R-10 a)
[15] Donc 1 centimètre sur le plan équivaut à 20 mètres sur le terrain
[16] Pièce R-75, Miner-Lubecki (Succession de), 2006 QCCS 5184
[17] Pièce R-5
[18] Toronto (City) c. Virgo, [1896] A.C. 88
[19] LeCHASSEUR, Marc-André, «Le zonage en droit québécois», 2006, Wilson Lafleur ltée
[20] LeCHASSEUR, Marc-André, op. cit., note 19, page 126
[21] LeCHASSEUR, Marc-André, op. cit., note 19, page 128
[22] LeCHASSEUR, Marc-André, op. cit., note 19, pages 129 et 130
[23] Cantons Unics de Stoneham et Tewkesbury (Corporation municipale) c. Bureau, EYB 1990-57952
[24] Québec (Ville) c. Groupe la Récréathèque et Jean Veilleux, EYB 1994-64332
[25] Recyclage St-Michel inc. c. St-Michel (Municipalité de), REJB 1998-06356
[26] REJB 2002-32255
[27] FBT Dorval inc. c. Dorval (Cité de), REJB 2001-22643
[28] Montréal (Ville de) c. F.B.T. Dorval inc., J.E. 2002-1438
[29] [2001] R.J.Q. 65
[30] St-Lambert-de-Lauzon (Municipalité) c. Larochelle, REJB 2001-23079
[31] [2004] 2 R.C.S. 650
[32] Précitée note 31, paragraphe 62
[33] Précitée note 28
[34] Précitée note 29
[35] [1997] R.J.Q. 2090
[36] Pièce R-10
[37] LRQ ch. A-19.1
[38] St-Romuald (Ville de) c. Olivier, [2001] 2 R.C.S. 898
[39] Pièce R-16
[40] Pièce D-2
[41] Pièce R-16, Annexe II C
[42] Pièce D-2
[43] Annexe II C, pièce R-16
[44] Ainsi qu'aux photographie et plans R-81, R-102 A et R-102 C
[45] Pièces R-77 et R-70
[46] Pièce R-31
[47] Pièce R-33
[48] Voir Annexe II H, pièce R-16
[49] L.R.Q. c. Q. 2
[50] Pièce R-20
[51] Pièce R-21
[52] Pièce R-22
[53] Pièce R-25
[54] Pièce R-79
[55] Pièce R-77
[56] Pièce R-21
[57] Pièce R-27
[58] Pièce R-29
[59] Pièce R-30
[60] Pièce R-31
[61] Pièce R-33
[62] Pièce R-38
[63] Pièce R-76
[64] Pièce R-36
[65] Pièce R-35
[66] Pièce R-38
[67] Huot c. Municipalité de l'Ange-Gardien et al., C.A. Québec 200-09-000174-901, 1992-06-19, juges Coram, Chouinard et Brossard; Ville de Val-Bélair c. Entreprise Raymond Denis, C.A. Québec 200-09-000435-914, 1998-05-22, juges Coram, Dussault et Delisle; Ville de Longueuil c. Gestion A. Godin, (2006) QCCS 1099; Corporation municipale de Saint-Amable c. Brissette et al., C.S. Longueuil 505-05-000854-908,1991-01-04, juge Gilles Mercure;
[68] Précitée note 38
[69] Pièce R-4
[70] Pièce R-102 B
[71] REJB 2003-40960
[72] Pièce R-86
[73] Commission de la construction du Québec c. Camping Granby inc., 2008 QCCS 1315
[74] Pièce R-15
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.